La quintaine : entre festivités et obligation féodale

Une coutume médiévale perpétuée jusqu’au XVIIIe siècle

Parmi les droits seigneuriaux en vigueur en Touraine, mais également dans les provinces de Bretagne, Berry, Bourbonnais, Orléanais…, la quintaine occupait une place singulière. Elle était, à la fois l’occasion de festivités pour la population, d’obligations pour ses participants et de source de revenu pour le seigneur. Ce jeu, hérité du Moyen Âge, perdura jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.

De l’origine de la quintaine

La quintaine des chevaliers ou d’exercice

Ce jeu d’adresse consistait à percuter avec une lance tendue un trophée ou le bouclier d’un mannequin surmontant un mât fixe ou rotatif.

Il se pratiquait à cheval et était destiné à l’entraînement au combat des seigneurs et des chevaliers. Cette pratique disparut par conséquent avec la chevalerie.

La quintaine féodale ou de redevance

Celle qui nous intéresse ici s’est sans doute développée en même temps que celle des chevaliers. Elle survécut au-delà de la Révolution française.

Elle suivait le même principe que la quintaine des chevaliers. Ce jeu d’adresse pouvait se pratiquer à cheval. Toutefois, il se jouait le plus souvent à terre, à pied ou sur l’eau.

La quintaine des chevaliers
La quintaine des chevaliers - Émile Mas, Le Petit Français illustré 1903

La quintaine, comme d’autres amusements, était la manifestation des droits féodaux que le seigneur imposait aux habitants de son fief. Elle impliquait, parfois, les mariés de l’année et parfois, dans des joutes nautiques, les meuniers, pêcheurs et mariniers. Et parfois même, dans certaines seigneuries, la quintaine concernait les bouchers.

En Touraine, la quintaine semble le plus souvent se jouer sur l’eau. Voyons comment elle se déroulait à Montbazon.

La quintaine entre festivités et obligations féodales
Livre d'heures d'Adélaïde de Savoie illustré par Jean Fouquet (1460-1465) - Musée Condé, Chantilly

La quintaine dans le comté de Montbazon

À Montbazon, la quintaine concernait les nouveaux meuniers ayant affermé un moulin sur l’Indre au cours de l’année et les nouveaux pêcheurs.

Un aveu datant du 25 juillet 1583, rendu par le comte de Montbazon, Louis de Rohan, au frère du roi, le duc d’Anjou [1], décrit, avec force détails, le déroulé de cette fête de l’eau.

« […] en la première année qu’il est nouveau pescheur et chacun meusnier pour la première année qu’il a de nouvel prinse un moulin affermé sur ladite rivière pour le regard des moulins qui sont assis à prendre dès et depuis le grand pont de Veigné jusques à la Mothe d’Arthannes, sont tenus de courir ou faire courir ladite quintaine ».

[1] Archives Nationales – Q/1/*/377/2 – Aveu rendu par Louis de Rohan au duc d’Anjou (1583).

La fête de la Saint Maixent

Le jour de la saint Maixent, saint patron de la paroisse de Veigné[1], le seigneur de Montbazon convoquait tous les pêcheurs, anciens et nouveaux, avec leur bateau et les nouveaux meuniers. Il exigeait également la présence de tous les joueurs d’instruments et ménétriers du comté, de tous les sergents et de tous les notaires de la seigneurie.

« […] et sont tenus les pescheurs de mes eaux, au jour de saint Maixent, assister chacun avec un challan à la quintaine que j’ay droict de faire tirer et exercer audict jour saint Maixent, sur ladite rivière d’Indre […] que je fais faire […] ordinairement au devant de mondict chasteau, contre mes moulins bannaux et le grand pont de madicte ville et ce en ma présence ou en celle de mon bailly et aultres mes officiers de ma justice dudict comté ».

[1] Veigné et Montbazon sont liées historiquement et géographiquement. Montbazon est presque entièrement enclavée dans Veigné. La paroisse de Veigné et ses habitants dépendent bien de la justice seigneuriale de Montbazon. En revanche, la paroisse de Montbazon doit une grande partie de son territoire aux décisions de l’archevêché de détacher des fermes et des terres de Veigné.

Un rituel sur l’eau

Chacun à leur tour, les meuniers et les pêcheurs, debout dans un bateau conduit par les anciens pêcheurs, devaient frapper à l’aide d’une perche de saule ornée de fleurs, un poteau planté au milieu de la rivière.

Et si jamais l’un d’eux venait à rompre sa perche de saule, alors, il devait reconcourir trois fois.

Les anciens pêcheurs étaient tenus d’être présents sur l’eau avec leur bateau, pour secourir ceux qui auraient pu tomber à l’eau :

« […] et quand aux aultres pescheurs ils sont tenus assister chacun avec un batteau ladicte quintaine pour secourir aulxdits nouveaux pescheurs ou moliniers du péril de l’eau sy le cas y eschet en tirant ladite quintaine. »

Un défilé festif et des pénalités en cas d’absence

Les ménétriers et joueurs d’instruments convoqués accompagnaient la quintaine et sa préparation. Un défilé en musique partait des moulins banaux au grand pont pour une remise des perches de saule fleuries et des bateaux fournis par le comte aux participants.

En cas d’absence ou de défaillance, les nouveaux meuniers et pêcheurs devaient s’acquitter d’une amende de 60 sols. De plus, cette sanction s’appliquait aussi aux anciens pêcheurs, ménétriers, officiers, notaires et autres convoqués.

Pour ce faire, le comte faisait appel à des officiers particuliers des eaux :

« Et pour prendre es garde à la conservation de tous mes droits et de ce qui concerne le bien public, je puis avoir officiers particuliers desdictes eaux, comme maître particulier, ses lieutenants, sergens et autres officiers à eux nécessaires, outre les officiers ordinaires de ma justice dudit comté ».

Située à une dizaine de kilomètres au sud de Tours, Montbazon a d’abord été érigée en comté puis en duché-pairie.

Le territoire du seigneur châtelain englobait de nombreux fiefs et paroisses (Montbazon, Veigné, Esvres, Athée-sur-Cher, Chambray, Monts…).

Le duché de Montbazon, au temps des Rohan, s’étendra encore, couvrant un territoire allant du nord de Montbazon à la pointe sud de la Touraine.

Pour plus d’infos : Les Massoteau du Val de l’Indre, meuniers en Touraine.

La Touraine des Rohan - Duché de Montbazon
La Touraine des Rohan, duché de Montbazon
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